Dernière danse
“Bienvenue au plus grand night club de Tokyo ! Le plus chaud, le plus beau, le plus somptueux !
Bienvenue à vous, mes amis ! Passez la meilleure nuit de votre vie !!!”
Je jetais un oeil septique sur Ryo. C'était ça son super plan de la mort qui tue ? Le truc génial pour me décoincer ? Un night club ?! Il repéra mon air courroucé et fit la moue.
“Oh Tego-Nyan ! Tu vas voir, on s'éclate ici ! Plutôt deux fois qu'une !”
Il finit sa phrase en se collant contre une fille qu'il ne connaissait même pas. J'en profitais pour marmonner dans ma fausse barbe que justement, une fois aurait amplement suffit... Je me retournais pour partir le plus vite possible de cet endroid maudit.
“Oh, vous partez déjà ?”
En temps normal, je n'aurais même pas prêté attention à cette simple phrase. Mais cette voix me chavira tellement le coeur que la seule chose à faire était de se retourner une nouvelle fois pour voir qui était sa propriétaire. Un peu plus petite que moi, en robe courte et en talons, elle avait un air provoquant qui me plaisait. Ses yeux brillaient comme deux étincelles enlacées de ses cheveux bruns et sauvages. Elle semblait me défier du regard mais cela ne me dérangeait pas, loin de là...
“Vous partez déjà ?” Me redemmanda t-elle.
Je fus décontenancé.
“Euh... On se connait ?
- Pas encore. Mais j'espérais bien que ça se fairait ce soir...
- Que... Comment ça ?
- Tu peux rester dix minutes s'il te plait ?”
Je me dis qu'elle n'étais vraiment pas génée, en plus elle me tutoiyait déjà.
“Pourquoi donc ?
- Je passe à ce moment-là. Si tu n'aimes toujours pas tu seras libre de partir.
- Vous... passez ?
- Sur la scène.”
Cette pensée me glaça le sang. Elle osait travailler dans une boite de ce genre.
“Oui.”
Mais qu'est-ce qui me prenait ? J'étais fou ou quoi ? Je n'avais aucune envie de rester !
“Merci beaucoup !”
Elle me sourit et courut loin de moi, surement de préparer. Je restais là, abasourdi, à regarder autour de moi, et j'apperçus Ryo lever son verre dans ma direction. Il avait tout vu le bougre...Je grinçais des dents.
Ces dix minutes furent les plus longues de toute ma vie. Je me demandais vraiment que ce je faisais là. Puis elle apparut sur la scène. Robe moulante arrivant au dessus du genou, hauts talons, collants et cheveux fous attachés en queue de cheval, celle jeune fille que je connaissais à peine ressemblait à un loin en cage qui ne désirait qu'une seule chose : Se libérer de ses chaînes.
“BONJOUR TOUT LE MONDE ! EST-CE QUE VOUS ETES LA CE SOIR ?!!
- OUAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAIS !
- VOUS ETES PRETS A JOUER AVEC MOI ?!!
- OUAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAIS !
- Très bien ! N'oubliez pas... ChanGi réalisera tous vos rêves !”
Sur ce, elle se mit à chanter. D'une voix sualve et sensuelle, elle donnait enfin tout son sens à la salle. Provocante mais pas trop, elle jouait avec son corps, le contrôlant parfaitement, dansant d'une façon sexy mais extrènement bien accordée à la chanson. Bien entendu, je ne comprenais pas les paroles et pour cause, j'avais toujours été archi nul en Anglais. Mais quand elle s'arrêta de chanter, j'aurais tout donné pour qu'elle continue, absolument tout. Les applaudissement fusèrent, et je me surpris à les accompagner.
“VOUS AVEZ AIME MA CHANSON ?!
- OUAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAIS !
- Alors... Qui viendra ce soir avec moi ? Hein ?”
Tous les hommes de la salle se mirent à crier. Il y avait de quoi, elle était magnifique. N'importe qui aurait voulu passer la nuit avec elle, elle était tout simplement exraordinaire.
“Eh bien je suis désolée mes mignons, mais j'ai déjà choisi mon partenaire pour cette nuit ! Le seul problème c'est que je ne connais pas son nom...”
Elle avait vraiment l'air pênée mais se reprit bien vite, ayant surement une idée derrière la tête pour faire tourner tous ces hommes en bourrique.
“Techniciens s'il vous plait ! Peut-on éclairer la salle d'une grande lumière blanche que je le repère ?
- Bien sur !”
Aussitôt dit, aussitôt fait. Un éclairage d'un blanc impeccable parcourut le night club et m'aveugla soudain.
“LE VOILA ! C'EST LUI !”
J'ouvrais les yeux difficilement et ce fut avec surprise que je découvris “ChanGi” devant moi, me souriant comme si nous étions meilleurs amis.
“C'est toi que je choisis... C'est quoi ton petit nom ?
- Euh... Tegoshi. Tegoshi Yuya.”
Elle reprit son micro en main.
“JE CHOISIS TEGOSHI YUYA POUR PASSER LA NUIT AVEC MOI !”
Tout le monde cria une fois de plus et je me sentis très mal à l'aise. Elle ne parut pas le remarquer et porta ses lèvres à mon oreilles. “Suis-moi” me chuchota t-elle avant de m'entraîner derrière elle. Juste un dernier coup d'oeil à Ryo pour remarquer qu'il se moquait gentiment de moi. Mais qu'allais-je faire ? Je ne connaissais même pas cette étrange fille ! Je la suivis dans les coulisses puis dans un escalier puis enfin dans une loge à son nom. Elle me lâcha enfin arrivés à l'intérieur.
“Fais comme chez toi Tego'.
- Tego' ?
- Si on doit passer la nuit ensemble, autant être intimes dès le début...”
Son air provoquant ne me plaisait pas du tout... ou peut-être un peu trop, je ne le savais pas encore. Ce qui était sur, c'était qu'elle me destabilisait au plus haut point. Je voulais la connaitre davantage et en même temps m'enfuir. Ces deux sentiments contradictoirs provoquaient en moi une grande frustration. Qu'allais-je faire, à la fin ? Qu'allais-je décider ?
“Ca ne va pas Tego' ?”
Elle avait repris son air réellement pêné. Mais la connaissant à peine, je ne pouvais donc pas savoir si elle éprouvait vraiment le besoin de savoir ou si elle se jouait de moi. Je tentais le tout pour le tout, j'étais sur les nerfs et fatigué.
“C'est que... Je ne suis pas habitué à ce genre de situation.
- Quel genre de situation ?
- Etre invité dans la chambre d'une femme...”
Ses yeux se voilèrent à ma phrase.
“T'es pas dans une chambre mon coco, et t'es encore moins invité, tu payes quand t'as fini.”
Son ton froid me fit frissonner. Pourquoi réagissait-elle ainsi ?
“Qu'est-ce que j'ai dit ?
- T'es bien curieux toi dis-donc !
- Je... Je veux juste comprendre...
- Comprendre quoi ?
- Pourquoi vous m'avez choisi.”
Elle mit quelques secondes à répondre, elle semblait chercher ses mots.
“Parce que t'as l'air différent.
- Coment ça ?
- Tu vois... Pour une fois j'aimerais passer une nuit tranquille à discuter, à regarder les étoiles... A me sentir libre et non comme un vulgaire objet de vente. J'aimerais pour une fois dans ma vie, me sentir respectée.”
Je la fixais quelques instants qui parurent une éternité, étonné par la profondeur de cette femme qui semblait à première vue frivole et aimant son métier.
“Est-ce que c'est difficile à comprendre ?”
Je souris timidement.
“Non, c'est parfaitement légitime.
- Alors... Ce soir qu'est-ce qu'on va faire ?
- Discuter et regarder les étoiles me semble un agréable programme.”
Elle me sourit de toutes ses dents puis me sauta dans les bras en me disant mille “merci”, si ce n'est plus... On passa ensuite, comme elle l'avait prédit, “une nuit tranquille”. J'appris beaucoup de choses sur elle, comme à la base qu'elle était Coréenne et qu'elle était venue gagner sa vie au Japon après la mort de ses parents. Elle n'avait aucune famille dans son pays natal et n'avait pas vraiment d'amis ici, simpelement des relations de mauvais goûts... Je lui racontais mon désir enfantin d'un jour devenir un célèbre chanteur alors que j'étais si jeune... Elle fut prise de passion pour mes aventures au sein de la Johnny's, l'agence qui me formait, et me demanda des informations sur tous mes amis. Je lui touchais donc un mot sur Ryo, l'ado' rebelle qui pouvait me faire faire n'importe quoi tellement son pouvoir de persuasion était fort. Je lui parlais aussi de Masuda, un ami que je connaissais depuis peu et qui m'apprenait à danser. Elle rit quand je lui racontais à quel point il était impressionnant quand il était mort de faim, c'est-à-dire les trois quarts du temps.
La nuit passa donc extrènement vite, assis derrière la fenêtre à se raconter nos vies et à regarder les étoiles. Le matin arriva bien vite, trop vite même. Il fut temps de se dire au revoir.
“J'ai passé une nuit vraiment formidable Tego'... Je te remercie.
- De rien, j'espère vous avoir aidé un peu.”
Elle rit.
“Tu peux arrêter de me vouvoyer s'il te plait ? J'ai l'impression d'être une vieille !
- Ah pardon !”
Elle rit de plus belle.
“Au revoir Tego'.
- Au revoir ChanGi.”
Elle m'embrassa sur la joue et je commençais à avancer dans le couloir, prêt à partir.
“Tego' !
- Oui ?
- Tu veux bien qu'on devienne amis ?”
Elle avait vraiment l'air d'en avoir envie.
“Bien-sur !
- SUPER ! Et tu crois que tu peux revenir la semaine prochaine s'il te plait ?
- J'ai hâte d'y être.
- Moi aussi Tego', bonne journée.
- Bonne journée ChanGi.”
Elle referma la porte derrière elle. Au cours du mois qui suivit, je revins la voir toutes les semaines. Pendant ce laps de temps, nous regardions les étoiles et nous parlions de tout et de rien. Nous étions rapidement devenus les meilleurs amis du monde. Un soir pourtant, tout bascula quand ChanGi commença à parler un peu plus sérieusement.
“Dis Tego'...
- Oui ?”
Mes yeux étaient posés sur les étoiles mais je sentais bien qu'elle me fixait intensément. Je me retournais donc.
“Oui ?” Je répètais.
“ Ca ne t'es jamais venu à l'idée ?
- De quoi ?
- Nous deux...
- Que...”
Pas le temps de continuer, elle posa ses lèvres sur les miennes. Abasourdi, je gardais les yeux ouverts devant cette scène étrange tandis qu'elle les avait fermés. Elle passa sa main sur ma joue et approfondit le baiser. Je me laissais guider et fermais les yeux, savourant le moment. Quand nos lèvres ses séparèrent, je le regrettais et ne voulais qu'une chose : Que cet instant magique se renouvelle.
“Tu n'y a jamais pensé ?” Me demanda t-elle d'un air incertain, sa respiration était saccadée.
“J'y pense tous les jours...”
Je me jetais sur ses lèvres pour y goûter à nouveau avec plaisir. Cette nuit là, je découvris l'amour fort, l'amour vrai, avec ChanGi. Et en sortant le lendemain matin, en l'embrassant encore et encore les semaines suivantes, je pensais qu'elle et moi, ça serait pour la vie...
J'avais tord, toutes les bonnes choses ont une fin, en particulier quand elles sont merveilleuses. Ce soir encore, j'allais admirer ma ChanGi chanter et danser. J'allais la regarder jouer avec son corps et avec sa voix, jouer avec elle-même. Au fond de moi, ce spectacle me faisait mal. Les autres hommes voyaient une partie de ma ChanGi, ils l'admiraient et la désiraient à ma façon. Les voir la dévorer des yeux était chaque jour plus insupportable. Mais comme je l'aimais, je ne pouvais faire autrement. Ce soir là, elle était encore plus époustouflante que d'habitude. Dans une longue robe rouge décolletée qui marquait bien sa taille et s'évasait vers le bas, elle illuminait la scène. Ses cheveux indomptables avaient étaient peignées en tresses. Des boucles d'oreilles noir et rouge ainsi que le collier assorti se mariaient merveilleusement avec son rouge à lèvres rouge sang et ses yeux flamboyants. Un vieux micro se tenait devant elle. Elle commença à chanter, à chanter une chanson que je ne connaissais pas. Une chanson française.
“J'ai longtemps parcouru son corps, éffleuré cent fois son visage.
Trouvé de l'or et même quelques étoiles en essuyant ses larmes.”
Evidemment, je ne comprenais rien aux paroles. Mais cela ne m'empêchait pas de trouver cela magnifique. ChanGi affichait un air mélancolique et au fur et à mesure de la chanson, les larmes lui montaient aux yeux.
“Je veux juste une dernière danse, avant l'ombre et l'indifférence.
Un soupir puis le silence.
Je veux juste une dernière danse...”
La chanson s'arrêta et une larme coula sur la joue de ChanGi, debout sur la scène, admirable. Pour une fois, elle ne défiait pas le public du regard, elle semblait même lui dire “Aide-moi !”.
“Merci beaucoup.” déclara t-elle avant de courir vers les coulisses.
Comme prévu, l'acalmie se fit vite dans la salle. Elle n'avait pas choisi de 'client' pour la nuit. Je m'approcha rapidement des coulisses et entra sans ménagement. Je la vis en pleine dispute avec le propriétaire du night club.
“Tu vas remonter sur scène et choisir quelqu'un, ChanGi !
- Je te dis que je n'en peux plus !
- Tu n'as pourtant pas le choix ! On a un contrat je te rappelle !”
J'arrivai au secours de mon amie.
“Je suis le client en question.”
ChanGi me fixa d'un air outré tandis que son patron me regarda de la tête aux pieds.
“Elle ne t'a pas choisi.
- Je payerai le double du prix initial.”
Il garda le silence un moment.
“Très bien, montez.”
J'attrapais le bras de ChanGi. Pour une fois, c'était à elle de me suivre. Une fois dans la loge, elle s'énerva.
“Mais tu es fou ou quoi ! Il t'a déjà dans sa ligne de mire !
- Pourquoi donc ?
- Parce que je te choisis souvent ! Il t'as reconnu qu'est-ce que tu crois ?
- Et qu'est-ce que ça peut faire tant que je paye ?”
Je n'aimais pas savoir celle que j'aimais dans les bras d'autres hommes, en particulier si ça la faisait souffrir.
“Tu sais que je n'aime pas ça Tego'...
- Je le sais.
- J'ai trouvé une solution.
- Ah oui ? Laquelle ?”
Ses yeux s'embuèrent à nouveau de larmes.
“Je vais partir Tego'.
- Où ça ?
- En Corée du Sud.”
J'étais complètement abasourdi.
“Tu veux rentrer chez toi ?
- Oui. Je ne peux plus vivre comme ça, je n'ai plus aucun respect pour moi-même...
- Mais... Moi j'en ai pour toi ! Ca ne voulait donc rien dire ces mois-ci !
- Bien sur que si ! Tu sais que je t'aime !
- ALORS POURQUOI TU PARS ?!!
- Parce que je suis trop raisonnable...”
Elle pleura franchement cette fois-ci. Encore pire, elle s'effondra en pleurs sur son lit. C'était la première fois que je la voyais ainsi, si faible, moi qui l'enviait pour sa force de caractère.
“Je vais te laisser ChanGi.”
Je commençais à partir quand elle m'appela parmi ses sanglots.
“ Oui ?
- Tu sais ce que je voudrais le plus au monde Tego' ?
- Quoi donc ?
- J'aimerais qu'un jour, je puisse danser avec toi. Juste une fois.”
Cette phrase me semblait tellement futile... Je recommençais à partir.
“Je t'aime Tego'...”
C'était la première et unique fois qu'on me le disait. Mais je ne me retournais pas. Pour un orgueil idiot, je ne m'étais pas retourné. Je l'avais laissé là, seule, à pleurer. Et ensuite je n'étais pas revenu, pas une seule fois. Je l'avais laissé partir, alors qu'on fond, j'étais anéanti et désorienté sans elle.
Des années plus tard, j'étais enfin devenu le chanteur dont je rêvais. J'avais régulièrement des petites-amies mais celà ne durait jamais bien longtemps à cause de ma popularité difficile à gérer. Il y avait aussi un autre hic : J'avais déjà vécu une histoire compliqué, je ne voulais pas revivre ça... Un jour que je sortais plus tôt des répétitions pour le prochain concert de mon groupe, j'étais arrivé dans une rue que je connaissais bien pour l'avoir souvent prise, quelques années plus tôt. Devant l'immense vitrine du night club se dressait l'affiche “En vente”. Mon regard s'éleva ensuite un peu plus haut, vers la fenête à travers j'avais si souvent regardé les étoiles avec cette personne que j'avais tant aimé... Je me rendais compte d'une chose, nous nous étions mutuellement abandonnés, elle et moi, perdus dans nos rêves d'évasion, d'amour et de célébrité pour moi. J'espérais qu'aujourd'hui, ChanGi avait retrouvé la paix dans son pays.
Puis, je ne sais trop pourquoi, je jetai rapidement un oeil à la pancarte “En vente”, avant de composer le numéro de l'agence immobilière inscrite. Je déclarai à l'homme au bout du fil que je désirais acheter ce bâtiment pour en fait un atelier de danse et de chant pour ceux qui n'en avaient pas forcémment les moyens. A travers ce geste, je voulais accéder au rêve de ChanGi, nous voir danser ensemble, même si c'était dans deux pays différents. Car après tout, malgré l'ombre et le silence dans lesquels m'avait plongés cette histoire, ne je désirais qu'une chose : Une dernière danse...